7e Journée Céreq au LEST - Vers un workfare à la française ?

Journée d'études Journée du Céreq au LEST / Séminaire Général

Lundi 13 mai 2024
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LEST, Salle 1

Animation Vanessa di Paola, Christophe Guitton

programme 7e Journée Céreq au LEST - Vers un workfare à la française ?

 

La journée pourra être suivie en présentiel ou en distanciel

Merci à celles et ceux qui souhaitent être présent·es physiquement de s'inscrire auprès de Christophe Guitton (le nombre de places étant limité)

 

7e Journée Céreq au LEST - Vers un workfare à la française ?

 

La 7ème journée du Céreq au LEST, le 13 mai 2024, sera consacrée à la présentation de la loi du 18 décembre pour le plein emploi qui instaure France Travail et réforme le RSA.

 

 

Programme : 

 

9h-9h30 - Accueil - Introduction


9h30h-10h45Présentation et mise en perspective de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi (France travail, réforme du RSA, contrat unique d’engagement, obligation d’activité), A. Eydoux (LISE, CNAM, CEET) et C. Guitton (Céreq-LEST)


11h-12h30 - Métiers en tension : les racines du workfare ?
•    Les métiers en tension, F. Laîné (France travail) 
•    Jeunes et métiers en tension, T. Couppié (Céreq) et C. Gasquet (Céreq)
•    Les régions face à la tentation adéquationniste, T. Berthet (CNRS, AMU, LEST, CA Céreq)
•    Discussion - J. Vero (Céreq-LEST)


12h30-14h – Déjeuner (buffet sur place)


14h-15h30 - Retour sur la genèse de la loi Plein emploi
•    Les Ecoles de la deuxième chance face à la Garantie jeunes : les effets de concurrence sur le quasi-marché du workfirst, X. Joutard (AMU, CNRS, LEST, OFCE – Sciences Po, CA Céreq) et P. Pérez (AMU, CNRS, LEST)
•    Du workfirst au workfare ? La genèse du contrat d’engagement jeunes (CEJ), N. Brusadelli (CURAPP-ESS), L. Legreneur (Triangle) et M. Segon (Céreq)
•    De l’accompagnement social et professionnel à la remise au travail des publics en difficulté, J. Berthaud (Céreq-IREDU)
•    Discussion – T. Berthet (CNRS, AMU, LEST, CA Céreq)


15h45-17h – Table ronde – Contours du workfare à la française et effets en retour sur l’insertion par l’activité économique (IAE) et les expérimentations TZCLD
•    CEJ : la jeunesse, laboratoire du workfare à la française, F. Ihaddadene (CURAPP-ESS) et M. Segon (Céreq)
•    Garantie de revenu, activation, workfare : quels enseignements des évolutions du RSA ? A. Eydoux (CNAM-LISE-CEET) et M. Beraud (GREE, Université de Lorraine)
•    Quel avenir pour le droit territorialisé à l’emploi (expérimentations TZCLD) face au devoir national de travailler ? C. Retsin (Université de Reims, LEST)
•    Quel avenir pour l’insertion par l’activité économique (IAE) face à la politique de remise au travail généralisée des sans-emploi ? N. Richez-Battesti (LEST, AMU, CNRS)
•    Animation - C. Guitton (Céreq-LEST)


17h – Conclusion 

 

téléchargez le programme :

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« Le workfare ne sert pas à créer des emplois pour ceux qui n’en n’ont pas mais à créer des travailleurs pour les emplois dont personne ne veut » (Peck, 2001).
L’adoption par le Parlement, le 14 novembre 2023, du projet de loi pour le plein emploi, marque le retour en force du devoir de travailler qui constitue le corollaire du droit à l’emploi dans la formulation de l’article 5 du Préambule de la Constitution (« Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi »). Remplacement de Pôle emploi par France travail, réforme du RSA, création d’un contrat unique d’engagement pour les différentes catégories de sans-emploi (demandeurs d’emploi, jeunes suivis par les missions locales, allocataires du RSA), instauration d’une obligation d’activité de 15 heures hebdomadaires : la loi Plein emploi s’inscrit dans le prolongement des réformes récentes qui durcissent les conditions d’indemnisation du chômage et renforcent le contrôle des chômeurs au nom du nécessaire rééquilibrage des droits et des devoirs des bénéficiaires de l’Etat providence. La consécration législative de l’injonction au travail n’est pas sans évoquer la logique anglo-saxonne du workfare qui tend à restreindre le bénéfice de l’aide sociale en la conditionnant à l’exercice d’un travail. 
L’objectif du séminaire du 13 mai 2024 est de revenir sur les conditions de l’instauration du workfare en France, d’esquisser les contours de ce que pourrait être un régime de workfare « à la française » et d’anticiper les effets de sa diffusion sur un certain nombre de politiques innovantes qui envisagent l’emploi (Territoires Zéro Chômeurs- TZCLD), l’insertion (Insertion par l’activité économique-IAE) ou encore la formation (Plan d’investissement dans les compétences – PIC) comme un droit individuel ou une responsabilité collective plutôt que comme un devoir individuel ou une injonction sociale.

 


I – De l’activation au workfare : tour de vis ou changement de paradigme ?
Un premier objectif consiste à mettre la réforme en perspective à partir du croisement des regards disciplinaires (histoire, sciences politiques, droit, économie, sociologie, etc.)
•    La réforme marque-t-elle le passage de l’activation au workfare ? Le référentiel européen de l’Etat social actif : « Pas de droits sans responsabilité » (Giddens, 1993), est au fondement des politiques d’activation (des dépenses, des politiques, des individus) qui se sont imposées en France au cours des dernières décennies, symbolisées par le remplacement de l’ANPE par Pôle emploi et du RMI par le RSA en 2008-2009. L’importation du référentiel anglo-saxon du workfare (« Pas de droits sans devoirs ») remet-elle en cause l’inconditionnalité des droits sociaux constitutive de la conception universaliste de l’Etat-providence d’après-guerre ? La réforme doit-elle s’analyser comme un énième durcissement des politiques d’activation ou comme un changement de paradigme caractérisé par la conditionnalité des droits sociaux ?
•    Le propre du workfare est de conditionner le bénéfice des aides sociales à l’exécution d’un travail, ce qui ouvre le débat sur le travail gratuit et le bénévolat obligatoire. Jusqu’à quel point l’instauration d’une obligation d’activité de 15 heures par semaines s’inscrit-elle dans cette perspective ? Quels enseignements tirer de la comparaison avec les pays anglo-saxons ? Quelle pénétration du workfare en Europe ?
•    Le recours massif à l’obligation, au contrôle et à la sanction instaure une forme de pénalisation du non travail qui renoue avec la question sociale dans sa formulation la plus archaïque : les chômeurs et les pauvres sont-ils responsables de leur situation ? Sont-ils sans emploi parce qu’ils ne peuvent pas ou parce qu’ils ne veulent pas travailler ? Faut-il renforcer l’accompagnement vers l’emploi ou rendre le travail obligatoire pour les chômeurs et les pauvres ? La tradition anglo-saxonne du workfare marque-t-elle une rupture ou entre-t-elle en raisonnance avec l’histoire politique et juridique du traitement de la question sociale et pénale du non travail en France ?

 

II – Entre accompagnement renforcé et renforcement des obligations : quels contours du workfare « à la française » ?
De l’économie générale de la réforme, deux lectures peuvent être faites qui doivent être confrontées : 
•    Une lecture optimiste situerait le workfare à la française sur une ligne de crête entre intégration (doctrine de l’« aller-vers », accompagnement renforcé) et coercition (obligation d’activité, renforcement du contrôle et des sanctions), le suivi de la mise en œuvre de la réforme permettant d’apprécier où se situera in fine le point d’équilibre entre son volet social et son volet disciplinaire. 
•    Une lecture plus réaliste consiste à partir de la finalité de la réforme qui consiste, pour parvenir au plein emploi à l’horizon 2027, à accélérer la remise au travail des sans-emploi (accompagnement renforcé, obligation d’activité) pour les orienter sur les métiers en tension (renforcement du contrôle de la recherche d’emploi fondé sur la notion d’offre raisonnable d’emploi), la doctrine de l’aller-vers permettant - en théorie - de généraliser la démarche à l’ensemble des chômeurs, assistés sociaux et inactifs, au risque d’augmenter le non recours. 
L’instauration d’un contrat unique d’engagement combinant accompagnement renforcé et obligation d’activité est au cœur de la réforme et sa mise en œuvre donnera le ton du workfare à la française :
•    Les prolégomènes de la réforme que sont la création du contrat d’engagement jeunes (CEJ) en 2022, en remplacement de la Garantie jeunes, et l’expérimentation du « RSA sous conditions » dans 18 départements permettent-ils d’apporter des éléments de réponse empiriques à la question du contenu concret de l’accompagnement intensif et des modalités de satisfaction de l’obligation d’activité ?
•    L’observation de la mise en œuvre du CEJ et du RSA sous conditions permet-elle d’apporter des éléments de réponse à la question de l’équilibre entre accompagnement renforcé (suivi intensif, « activités » d’insertion et de formation) et travail forcé (périodes obligatoires d’immersion professionnelle en entreprises, sanctions en cas de refus des offres d’activité) ? A l’instar de l’offre raisonnable d’emploi (ORE), va-t-on vers la définition d’offres « raisonnables » d’activités que le bénéficiaire du contrat unique d’engagement ne pourra refuser sans motif légitime ? 
•    Quel est l’impact de la réforme sur les professionnels de l’intermédiation et les métiers des structures d’accompagnement (missions locales, agences Pôle emploi/France travail, services sociaux départementaux) ? Comment est perçu le passage d’une posture de conseil et d’accompagnement à une posture de contrôle ?
 

III – Relations travail-revenu : les dilemmes de l’Etat social

Le « devoir de travailler » qui sous-tend la loi Plein emploi vient encore ajouter à la diversité des conceptions des relations entre travail, revenu et protection sociale qui coexistent au sein des politiques du marché du travail et/ou dans le débat social :  

  • Le droit à la formation : permettre aux moins qualifiés de se former pour renforcer leur « employabilité » et leurs chances d’accéder à l’emploi et à la protection sociale.
  • Le droit à l’emploi : garantir à tous un emploi décent, dignement rémunéré et permettant d’accéder à une couverture sociale. 
  • L’assistance par le travail : réduire la pauvreté par le travail en maintenant les droits sociaux (allocations de chômage et minima sociaux) à un niveau volontairement faible pour inciter leurs bénéficiaires à travailler ou à s’engager dans un programme d’insertion ou de formation. 
  • Le devoir de travailler : rendre les droits sociaux (allocations de chômage et minima sociaux) plus incitatifs à l’activité en conditionnant leur versement à l’exercice d’une forme de travail ou à l’engagement dans une action d’insertion ou de formation.
  • Le revenu universel : dissocier travail et revenu en instaurant un revenu de base, associé à une couverture sociale minimale, accessible sans condition de ressources ou de travail à l’ensemble des résidents « valides » comme « invalides ».

Le troisième objectif du séminaire est d’essayer d’anticiper les effets en retour de la loi Plein emploi sur les composantes des politiques publiques d’emploi, d’insertion et de formation inspirées par d’autres paradigmes que le devoir de travailler :

  • Débat sur le revenu universel : la loi Plein emploi siffle-t-elle la fin de la récré ? 
  • Droit à l’emploi : quel avenir pour le modèle économique et social du droit territorialisé à l’emploi (expérimentations Territoires Zéro Chômeur) face au devoir national de travailler ?
  • Assistance par le travail : quel avenir pour le modèle économique et social des structures d’insertion par l’activité économique (IAE), fondé sur l’accompagnement à l’autonomie des personnes en difficulté, face à la politique de (re)mise au travail autoritaire des sans-emploi ?
  • Formation : quel avenir pour le plan d’investissement dans les compétences (PIC - PRIC) : montée en compétence des publics les plus éloignés de l’emploi (chômeurs de longue durée, jeunes en difficulté) ou orientation forcée sur le marché secondaire des métiers en tension ?

(C. Guitton)

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