Temps des femmes, Temps des villes - Trois articles-vidéo : Rennes, Marseille, Liège, 2002-2005, Monique Haicault
Trois articles-vidéo explorent par l'image les liens entre deux thématiques, les temporalités urbaines et la place des femmes et du genre dans les politiques des villes. Elles abordent le droit à la mobilité autonome pour toutes les femmes au sein d’un espace public (Marseille), la place et les actions conduites par des femmes élues dans la Politique Municipale (Rennes), des actions de démocratie participative organisée en Commission, repérables dans l’espace urbain (Liège). La problématique du genre et des rapports sociaux de sexe sous-tend les approches adoptées dans les enregistrements audiovisuels dans la mesure où ces rapports peuvent se manifester dans les pratiques de mobilité des catégories sociales femmes et hommes, dans les mesures concrètes que les politiques municipales adoptent notamment en direction des femmes, de leurs déplacements au sein de l‘espace bâti aux prises avec les temporalités sociales familiales et urbaines. En amont des enregistrements la réflexion s’est appuyée sur mes recherches sur les temps sociaux et sur les pratiques sociales de mobilité notamment dans l’espace de Marseille, enrichie par la comparaison entre les mesures prises par des villes européennes quant à leur politique de gestions des temps sociaux (cf. textes à l’appui). Les articles parus dans des revues de sociologie urbaine et d’urbanisme sur cette thématique ont nourri les observations recueillies sous forme de notes, dessins, photos, effectués dans plusieurs villes, complétées par des entretiens enregistrés ou dénotés auprès de différents acteurs sociaux impliqués dans la gestion urbaine. Enfin la réalisation des vidéos a aussi bénéficié d’une réflexion individuelle et collective, engagée depuis longtemps, sur l’usage de l’image en sociologie. Effectuées avec un soutien financier de chaque Ville ces Vidéos ont a été présentées dans chacune des villes et lors de Colloques, Congrès, Séminaires, Journées d’études depuis 2002, en France et à l’étranger. Une forme réduite du documentaire « l’article-vidéo » offre des possibilités d’écriture qui l’apparentent à celle d’un article. Il s’agit d’un produit court dont la thématique explicite vise à montrer sans démontrer, à porter autrement le regard sur des choses connues, banales, à briser la naturalité de l’ordinaire. En s’attachant à une seule idée on mise sur la capacité des personnes qui regardent à lire les images sans avoir à recourir à un récit ou à un discours didactique ou démonstratif. Comme dans un article les intertitres orientent l’attention sur le thème de la séquence, détournent des évidences, apportent du sens, donnent de la respiration au montage, obligatoirement serré. Sa brièveté permet une projection devant un public relativement large, rassemblé lors de Colloques ou de Séminaires. Excellent moyen de communication et de débat, le document-image libère la parole et l’échange pour pousser plus loin le propos engagé. Produits de la recherche les images montrent comment des idées sont matérialisées dans du concret en situation au travers d’une pluralité de signes. Elles nous font voir, sentir, écouter des notions abstraites. Elles montrent comment les pratiques et les représentations s’inscrivent dans l’espace, en façonnent les formes, l’architecture, les codes. Elles restituent à la ville sa qualité d’observatoire social vivant, révélant des différences et des similitudes, variables au cours de l’histoire.
Rennes, des femmes élues, engagées dans la politique de la ville, 2002, Monique Haicault
Les enregistrements se sont déroulés durant 2 jours en mars 2002. Invitée par la ville de Rennes à participer avec mes films sur le travail des femmes aux Journées du 8 mars (Journée Internationale des Droits des Femmes), j’avais demandé aux élues d’accepter d’être interrogées en direct sur leurs actions au sein de la politique municipale en vue d’améliorer l’imbrication des temps urbains. Les entretiens ont été effectués dans l’espace public, sans préparation et sans reprise. Je disposais alors d’un petit camescope numérique, sans micro cravate, ce qui explique que le son ait capté des bruits parasites dans ces lieux publics de festivité. Successivement on voit : une responsable du Bureau des Temps de l’Administration Centrale, des Rennaises venues voir les films qui ont accepté d’évoquer leur mode de gestion partagée de la « pression temporelle », deux femmes élues, adjointes au Maire qui parlent de leurs actions pour favoriser la mobilité des femmes et alléger le poids des temporalités sociales. D'autres séquences tournées dans l'espace public complètent le montage. Cinq heures d’enregistrements ont été réduites en plusieurs montages successifs, toujours de courte durée afin d’être projetés lors de colloques. Le premier a été montré à Marseille en juillet 2002 au Colloque “ la Qualité de la vie urbaine". Il était la seule proposition à aborder la question des temps urbains dans la qualité de vie. C’est un dernier montage plus complet qui figure dans cette série. La ville de Rennes est relativement pionnière dans sa gestion. Suivant les Directives Européennes le Conseil Municipal développe une démarche Egalité entre femmes et hommes depuis la fin des années 1990, appuyée sur la parité. Rennes a été une des premières villes en France à mettre en place un Bureau des temps, après avoir rendu des quartiers du centre aux piétons depuis la fin des années 1980. Avec les vélos à la carte (fin 1990), le métro inauguré en mars 2002, la municipalité développe une politique de complémentarité en matière de transports collectifs qui s’enrichit par l’aménagement des horaires des services publics (crèches à la carte etc.), et toutes sortes de mesures pour rendre le centre-ville et la culture accessibles à tous, tout en s’attachant à respecter le repos dominical et une gestion de proximité, le tout pensé de manière évolutive. Comme les villes qui réussissent, Rennes conjugue deux atouts : des liens forts avec l’Université pour l’étude de projets, et le suivi des mesures adoptées, une politique municipale appuyée sur une parité expérimentée, effective et respectueuse de la parole des femmes (cf. des séquences du Conseil Municipal qui, faute d’espace n’ont pas été conservées au montage). Cette double particularité a servi de fil conducteur aux montages successifs.
Marseille, des femmes dans les lieux et les temps quotidiens, 2003, Monique Haicault
Marseille n’est ni une ville Musée ni une nouvelle métropole. Avec 2600 ans d’histoire et d’immigration par vagues successives venues des deux rives de la Méditerranée, son cadre bâti est une sorte de palimpseste qui inscrit des formes urbaines aussi variées que sa population entre ses sept collines et l’immensité de sa rade. Elle offre au regard un espace public relativement démocratique dont la répartition socio-spatiale est moins ségréguée que dans beaucoup d’autres mégalopoles autour de la méditerranée. Les nombreuses “cités” de logement social, aujourd’hui dégradées, sont insérées dans le tissu de plus en plus urbanisé des “campagnes”, ces parcs d’anciennes bastides qui bordent en couronne les quartiers anciens du centre groupés autour du Vieux Port. La recherche et les observations ont montré que la ville a sa propre ségrégation socio-spatiale qui se traduit selon notre approche par un accès inégal aux espaces publics et aux temps de la ville. La cité phocéenne n’appartient pas à tout le monde de manière équivalente. Les différences entre femmes renforcent celles entre femmes et hommes. En cela Marseille est bien une Cité historique de la Méditerranée, son multiculturalisme se lit dans l’espace et dans les temporalités comme dans les modalités sociales de présence dans l’espace public, d’où le parti pris de filmer dans le Centre-ville comme lieu de la citoyenneté. Partant de la thématique évoquée, la question du droit de cité pour toutes les femmes s’est vite imposée pour aborder Marseille, d’autant que, contrairement à Rennes, il a fallu assez vite renoncer à des entretiens libres et approfondis avec des responsables municipaux pour aborder la question des temps sociaux, de la mobilité des citoyens et des mesures envisagées ou déjà prises par la municipalité. En observant, en filmant parfois, sur une durée de plusieurs mois, je me suis posée la question “Où, quand, comment, les femmes sont-elles en nombre dans l’espace public marseillais” ? “Quel droit de cité pour toutes les femmes” ? Si elles tiennent une place visible où se mêlent générations, milieux sociaux, ethno-cultures, comment circulent-elles dans l’agglomération urbaine, le centre-ville ? Où vont-elles, pour quels motifs, à quelles heures et avec qui ? Et enfin quels signes captés lors d’enregistrements de rue sont-ils capables d’apporter des réponses à ces questions ? La Marche des Femmes des Cités “Ni putes, ni soumises” partie de Paris en 2002 a traversé la grande Cité en 2003. Cette manifestation filmée au moment où elle monte «la Canebière» sous la pluie, tient dans le montage la place de celles qu’on ne voit pas, elle les montre en creux. Selon les moments et les lieux, des femmes circulent en nombre, accompagnées le plus souvent de plusieurs générations, plus rarement seules. Près des écoles, en flux réguliers, elles se pressent avec poussettes, paquets et enfants le long des trottoirs encombrés ou dans des escaliers mal commodes. Vers midi, les femmes actives et les jeunes envahissent les rues piétonnes du centre près des points de restauration rapide. Le soir, les rues vidées dès la fermeture des magasins rappellent combien le droit à la ville pour toutes les femmes est variable et encore fragile. Les enregistrements (5 heures de film minidv) se sont déroulés en direct dans les rues du centre et dans plusieurs quartiers, de décembre 2002 à octobre 2003 et jusqu’en février 2004. Ils ont été complétés par des entretiens de femmes représentant des figures sociologiques de citoyennes, une Assistante sociale des anciens bidonvilles, une artiste retraitée des beaux quartiers. Le montage a été réduit à 14 minutes 30 pour le présenter lors de Colloques sur diverses thématiques : Temps et Territoire, Temps et genre, Femmes dans la cité, Genre et territoire, ainsi que dans plusieurs Universités en France, en Tunisie, en Belgique et au Canada.
Liège, une ville à parts égales, des Associations de femmes dans la gestion urbaine, 2004, Monique Haicault
Si la qualité des mesures prises par une politique municipale en direction des citoyens peut se lire dans une pluralité de signes visibles dans l’espace urbain, la part prise par les collectifs d’usagers et respectée par la municipalité pourrait bien faire figure d’indicateur de démocratie participative. Une pratique depuis longtemps à l’œuvre dans les démocraties nordiques. “Les Marches Exploratoires” de femmes, organisées pour observer la qualité ordinaire des rues et des quartiers est une initiative des pays scandinaves, développée plus tard au Canada par des groupes de femmes. A Liège la caméra accompagne deux de ces marches et assiste à une réunion de La Commission Consultative "Femmes et villes" créée en 2002 par un collectif, suite à la Marche Mondiale des Femmes. Troisième de la série, la vidéo sur Liège s’appuie sur sept heures d’enregistrements diversifiés, effectués au moyen d’un camescope léger et discret. Le thème de la démocratie participative a émergé des entretiens avec des femmes de la Commission, avec des citoyens et des citoyennes lors des conférences-débats, également lors d’échanges spontanés dans la rue, à toute heure de présence dans la cité en vue de donner à voir des signes de la politique urbaine. Toutes les séquences filmées faute d’espace ne figurent pas au montage final.
- Monique Haicault, Sylvie Mazzella. Femmes et hommes retraités : des figures urbaines de mobilité circulante. Recherches féministes [revue interdisciplinaire francophone d'études féministes], Québec : GREMF, 1996, Les âges de la vie, 9 (2), pp.137-146. <halshs-01220562> - lien fichier [PDF]
- Monique Haicault, Femmes et hommes entre espaces publics et espaces privés in Les femmes dans la ville, un dialogue franco-brésilien. Presses de l’Université Paris Sorbonne, Centre d’Etudes sur le Brésil, 1996 p 29-47 <halshs-01566821> - lien fichier [PDF]
- Monique Haicault, «Les jeunes retraités, une génération intervalle dans le temps et l’espace urbain», in Revue PREVENIR, N° 35, 2ème semestre, 1998 p123-130 <halshs-01534987> - lien fichier [PDF]
- Monique Haicault, Marseille, des femmes dans les lieux et les temps quotidiens. In «Femmes en ville» textes réunis par Dalenda Largueche, Colloque «Femmes en ville dans le monde méditerranéen, passé et présent», Tunis, mars 2003, République Tunisienne, Ministère de la Recherche scientifique de la technologie et du développement des compétences, Université de la Manouba, CERES, (Cahiers du CERES. Série Histoire ; 14), p. 103-115 <halshs-01535022> - lien fichier [PDF]
- Monique Haicault, Nouvelles temporalités des espaces et des modes de vie, Communication présentée avec la vidéo sur Rennes, au Séminaire Conclusif : «Temps et Territoires » DATAR et IRIS, Médiathèque de Poitiers, 13-14 mai 2003, (en annexe des outils méthodologiques élaborés pour les enregistrements vidéo), p 8 Lien à venir
- Monique Haicault , « Discordances entre les temporalités quotidiennes et aménagements des temps urbains », communication avec présentation de la vidéo sur Rennes, Rencontre de la DRDF PACA, « Le Droit à la ville pour Tous : Comment ? », Marseille, 12/2003, 6p <halshs-01532263> - lien fichier [PDF]
- Monique Haicault, L’expérience quotidienne des femmes et des hommes aux prises avec les contraintes temporelles et l’éclatement des espaces urbains. Communication et projection de la vidéo sur Marseille aux Journées « Genre et territoire », INS LYON, Mars 2003, publiée dans la Revue Montagnes Méditerranéennes n°19, 2004 p 57-62 <halshs-01566828> - lien fichier [PDF]
- Monique Haicault, «Femmes âgées dans les lieux et les temporalités de la ville» in Chroniques Féministes, n° 86 /88, janvier 2004 p 43-49 <halshs-01532245> - lien fichier [PDF]
- Monique Haicault, «Les femmes, le droit à l'espace et à la politique urbaine : une approche par l'image de trois villes : Rennes, Marseille, Liège», in Les femmes entre la ville et la cité : 4ème Congrès International des Recherches féministes dans la francophonie plurielle : Tome 3, éd. par Marie-Blanche Tahon et Céline Widmer, Montréal (Québec) : Les éditions du remue-ménage, 2005, p. 17-27. <halshs-01535037> - lien fichier [PDF]