Fragmentation de l'organisation, de la gestion, des conditions du travail et de l'emploi
La mondialisation de l’économie a fait subir au «travail» des mutations sans précédant par leur profondeur et leur hétérogénéité. La question du travail demeure au cœur des grands problèmes de société, que ce soit par ses contenus, ses conditions relationnelles et techniques, ses types d’organisation, le renforcement des inégalités de genre et de statuts, également par ses implications sur la santé. De son côté la production audiovisuelle de la recherche en Sciences sociales, bien après l‘ethnologie, se développe en sociologie pour étudier les sociétés industrielles, et la question du travail est toujours d’actualité.
Regards pluriels sur le monde du travail (trois vidéos)
Ces trois vidéos sont tirées du Séminaire audiovisuel et scientifique de réflexion sur les mutations du travail dans la mondialisation, organisé par le LEST en 2005. La production audiovisuelle de la recherche en Sciences sociales, bien après l‘ethnologie, se développe en sociologie pour étudier les sociétés industrielles, et la question du travail est toujours d’actualité. Au plan européen, une nouvelle génération de documentaristes met sur le marché des produits de qualité qui abordent la thématique du travail avec un regard rigoureux et une écriture nouvelle. Les films de fiction qui abordent ces questions d’actualité ont créé de leur côté, depuis les années 2000 un réel intérêt pour ces films. La rencontre entre chercheurs et documentaristes travaillant sur la thématique : Le monde du travail ses transformations et leurs implications a visé deux objectifs. Enrichir la connaissance sur le monde du travail par deux types de regards focalisés sur un même objet. Enrichir chaque approche en confrontant les objectifs, les démarches, les rapports au terrain et aux techniques d’enquête utilisées, les moyens de communication mobilisés, les langages de chaque approche et leurs publics. A l’appui des travaux présentés et des débats, la rencontre permet en effet de souligner ce que chaque approche apporte à l’autre. Des différences quant au regard porté sur l’objet et sur la question posée. Le chercheur comme le documentariste se dégagent d’idées préconçues sur la question ; pour le chercheur, l’élaboration d’hypothèses bien étayées par la connaissance de travaux dans sa discipline lui permettent de formuler avec précision une problématique novatrice, pour le documentariste c’est souvent dans le repérage sur le terrain que les idées préconçues tombent et que l’approche se réoriente. Si le chercheur essaie de sortir du cas unique pour parvenir à des régularités qui supposent une population d’enquête assez fournie, le documentariste cherche toujours un acteur clé, témoin ou singulier qui porteur toutefois de l’authenticité de la question, l’incarnera à l’image. Le chercheur pour obtenir des résultats chiffrés se sert d’outils qui par contre l’éloignent de son terrain, le documentariste quant à lui doit rester longtemps sur place pour observer des transformations, saisir de l’imprévu, suivre des individus. L’un va vers des données, des signes de moins en moins incarnés, de l’abstraction, tandis que l’autre exerce son regard à toujours tenir ensemble à l’image trois dimensions: le corps (la parole vive, les mimiques, les gestuelles, le contenu visuel d’un poste de travail, les manières de dire et de faire..), l’espace (le contexte concret d’une situation, l’environnement d’un poste de travail, les lieux, les sites), le temps (la durée d’un événement, le déroulement d’une séquence de travail, d’une interaction, la dynamique d’un récit). Tout en affirmant la spécificité et les différences de chaque approche, les débats soulignent la richesse de chacune et leurs limites respectives. En partant de l’expérience des Rencontres du Réseau National Pratiques Audiovisuelles en Sciences Sociales (notamment celle tenue au LEST en 1987) qui a souligné l’efficacité de la réflexion dans des débats en ateliers, le séminaire a été organisé sur cette base. Un documentaire sert de point d’appui au débat, présenté par le documentariste il est invité à parler de sa démarche, de son rapport au terrain, aux différentes catégories de personnes filmées, à souligner les points saillants qu’il a retenus dans l’écriture du montage. Le chercheur ou le doctorant qui tient la place d’un discutant apporte alors sa propre connaissance de la question, son approche, ce que sa recherche apporte à la question posée, les problèmes rencontrés.
Pour figurer dans la Collection du LEST : Le Travail, ses formes, ses images, passé présent, et être déposé sur MediHal, le montage de 4 heures, « Regards pluriels sur le monde du travail », comprenant débats et extraits de films du séminaire du LEST de 2005, a dû être divisé en blocs plus accessibles. Monique Haicault coresponsable du Séminaire et collaboratrice au montage réalisé par Richard Fillon et la MSH- Paris, a choisi de répartir les 9 sections du montage global en trois parties, tout en respectant à la fois la totalité du montage et la visée scientifique du Séminaire.
Regards pluriels sur le monde du travail. Vidéo 1/3 – Dépossession du travail et de l’emploi, 2005, Monique Haicault et Richard Fillon
Un monde moderne, Sabrina Malek et Arnaud Soulier (réalisateurs), Bertrand Fribourg, Jacques Garnier, Annie Lamanthe (discutants) http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/13284_1 Up or out - Grimpe ou dégage, Laurent Salters (réalisateur), Paul Bouffartigue, Elisabeth Brun et Adeline Gilson (discutants) https://www.cinenews.be/fr/films/up-or-out-grimpe-ou-degage/photos/ Les sucriers de Colleville, Ariane Doublet (réalisatrice), Mariana Busso et Antoine Vion (discutants) http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/12126_1
Regards pluriels sur le monde du travail. Vidéo 2/3 – Fragmentation internationale du travail et de l’emploi, 2005, Monique Haicault et Richard Fillon
Pour 300 appels par jour, Christophe d’Hallivillée (réalisateur), Karine Guiderdoni, Caroline Lanciano-Morandat et Hiroatsu Nohara Lien à trouver A Decent Factory, Thomas Balmes (réalisateur), Alain d’Iribarne, Ariel Mendez, Valérie Angles-Hao, Boubakaer Hlaimi (discutants) http://www.institutfrancais.com/fr/decent-factory-0 Les ouvrières du monde, Marie-France Collard (réalisatrice) et Anne-Marie Daun-Richard, Boubakaer Hlaimi, Stéphane Moulin (discutants) http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/7998_1
Regards pluriels sur le monde du travail. Vidéo 3/3 – Traitement de la main-d’oeuvre, 2005, Monique Haicault et Richard Fillon
Sur le terrain des facteurs, Michel Basdevant, Claude Dubar et Delphine Mercier (réalisateurs), Delphine Mercier et Tanguy Samzun (discutants) https://medihal.archives-ouvertes.fr/medihal-01562157v1 On n’est pas des steaks hachés, Anne Galland et Alima Rouali (réalisateurs), Corine Eyraud et Thomas Le Bianic (discutants) http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/10920_1 Le jour d’avant, Pascal Cesaro (réalisateur), Anne-Marie Arborio, Julien Machado, Philippe Mossé et Audrey Rabassa (discutants) http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/14484_1
Un bilan positif…
D’un côté les réalisateurs ont montré combien leurs démarches, leurs méthodes d’investigation, leurs approches des questions abordées s’apparentent en partie à celles des chercheurs de terrain. Ils ont apporté un regard stimulant sur les contextes professionnels, sur les techniques et les langages du corps, sur la manière dont les questions théoriques se manifestent dans des situations et à travers des comportements concrets. La plupart des documentaires parce qu’ils s’inscrivent dans la durée, permettent de saisir des processus, des évolutions, des temporalités. Il s’agit notamment de celles plus ou moins rapides des prises de conscience des salariés, ou bien de l’incertitude lancinante engendrée par la menace des fermetures d’usine, ou encore de la sous-traitance en cascade qui frappe des travailleurs de diverses nationalités dont la communication nécessite au delà de l’obstacle des langues, un temps de vie de travail en commun. Le documentaire s’inscrit aussi dans l’espace, le contexte géographique et social. Il permet de saisir les aspects concrets de la délocalisation, ceux liés au processus de production dispersée sur la planète, auprès de travailleurs de cultures sociales et professionnelles différentes dont les profondes inégalités professionnelles et les manières propres de se mobiliser témoignent des écarts dans les conditions de travail et les modes de rémunération entre pays pour une même production industrielle. De leur côté, les chercheurs se sont emparés des propos des films pour les mettre en perspective, les renforcer ou les nuancer, soit par des chiffres, soit par des données d’enquête, soit en élargissant la question pour la pousser en généralités. Ces apports en connaissances multiples ont souvent débouché sur des questions plus théoriques, pour mettre alors en lumière de nouveaux objets ou de nouveaux champs d’investigation. Sous le regard des jeunes chercheurs, l’image a révélé sa pertinence dans la saisie de matériaux spécifiques ainsi que ses capacités épistémologiques dans le champ des Sciences Sociales, à mettre en question les certitudes, tant sur le travail, ses acteurs, sa valeur que pour montrer notamment des temporalités multiples, difficilement saisissables par les instruments habituels. L’enseignement lui aussi peut bénéficier de telles rencontres pour actualiser ses modèles théoriques par des documents concrets.
Un compte-rendu…
«En organisant, à la Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme et au LEST (laboratoire d'économie et de sociologie du travail), du 29 septembre au 1er octobre 2005, un séminaire audiovisuel et scientifique de réflexion sur les mutations du travail dans le contexte de la mondialisation, intitulé Regards pluriels sur le monde du travail, la sociologue Monique Haicault renouait avec son expérience antérieure du Réseau national pratiques audiovisuelles en sciences sociales, actif de 1986 à 1989. Celui-ci invitait des enseignants, des chercheurs et des documentaristes conscients de l'apport de l'image à l'exploration des questions relatives au travail, d'une part, à réfléchir ensemble à leurs pratiques et à leurs méthodologies respectives face à un même objet, et, d'autre part, à favoriser le recours aux techniques audiovisuelles dans la recherche en sciences sociales. Le principe du séminaire Regards pluriels sur le monde du travail a consisté à faire présenter par leurs réalisateurs dix films documentaires choisis parmi une production accordant une attention aujourd'hui soutenue à ce monde, et à les soumettre à la discussion de chercheurs confirmés et doctorants, sociologues ou économistes, ayant récemment conduit des recherches dans les mêmes milieux professionnels. De ces projections et des débats qui ont suivi entre cinéastes et praticiens des sciences sociales, était attendue, notamment, la mise en évidence de «points aveugles» aux uns que les moyens et le savoir-faire des autres révèlent, et réciproquement. La rencontre permettait également aux documentaristes et aux chercheurs de comparer leurs façons, en amont de leur travail, d'approcher leur terrain et ses acteurs, et en aval, de restituer et diffuser, éventuellement auprès de différents publics, pour les uns le film réalisé, pour les autres les résultats de leur recherche. Ces deux passages obligés, du «repérage» et de la «livraison», étaient vécus dans les deux groupes comme particulièrement mobilisateurs et décisifs pour atteindre leurs buts. Les conditions financières de réalisation de ces films sont assez hétérogènes: si certains ont été réalisés en réponse à des commandes d'entreprises - lesquelles n'escomptaient pas forcément les images données d'elles à l'écran - ou ont reçu des soutiens institutionnels, d'autres procèdent du seul engagement militant ou au moins empathique de leurs auteurs pour leurs sujets. En matière de diffusion, les destins de ces documentaires varient également puisque certains ont été distribués en salle, d'autres diffusés sur des chaînes de télévision, d'autres enfin projetés seulement dans des festivals thématiques restent en attente de la rencontre avec un public plus large. La plupart des films sélectionnés par Monique Haicault illustraient les multiples formes que revêt aujourd'hui «la dépossession de son travail» et les effets que celle-ci produit sur des êtres qui, outre les conséquences matérielles évidentes de cette perte, la vivent aussi bien souvent avec un sentiment d'amour trahi. Chercheurs en sciences sociales et cinéastes ont convenu, devant ce constat partagé, du caractère paradoxal de ce ressenti confinant au dépit amoureux, eu égard aux souffrances engendrées le plus souvent par les tâches accomplies. La dépossession du travail passe «simplement» par la fermeture des usines, pour les sucriers du pays de Caux ou les ouvrières de Levis du Nord et de Belgique, mais aussi par la frustration ressentie quand, fiers de leurs savoir-faire, des employés ou des ouvriers se voient réduits, par des conditions de cadences et de délais, à ne produire que ce qu'ils considèrent comme du sale boulot et non du travail propre. C'est ce qu'éprouvent, dans des emplois très différents (en contenu et en statut), aussi bien les facteurs qui n'arrivent pas à boucler leurs tournées dans le temps mal évalué qu'on leur accorde, que les intérimaires étrangers filmés à Saint-Nazaire, éternels migrants qui, où qu'ils aillent dans le monde, bâclent forcément ce qu'ils ont à faire, contrats et visas expirants obligent. Mais la dépossession prend aussi des tours plus retors, comme la perversité des procédures d'évaluation des consultants, qui vont jusqu'à réduire une jeune mère à s'auto-exclure, pas assez disponible, donc pas performante, ou dans un autre genre le travail qui devient impossible pour les téléopérateurs, quand ils sont conscients de vendre du crédit à des gens aussi pauvres qu'eux. Les scrupules éthiques des managers finlandais, bien sous tous rapports, de Nokia face à leurs sous-traitants chinois peuvent être vus, eux, comme une reconquête d'image clean après dépossession. Confrontés à ces professionnalités malmenées, les documentaristes font avant tout du cinéma, à destination d'un public aussi large que possible, et pour cela s'appuient à leur guise sur les ressorts de l'émotion ou du partage d'une cause. Ils s'accordent à laisser aux sciences sociales les soucis d'exhaustivité et l'approfondissement des questions. De leur côté, à partir d'une démarche et d'outils assez comparables, les chercheurs, par le biais des différentes formes de valorisations qu'ils donnent à leurs travaux, s'adressent eux à plusieurs publics différents et sont donc moins soumis aux choix de cadrage ou de montage qui peuvent «figer» une mise en images. Mais ils sont aussi conscients que leurs mises en mots, ne rendront jamais aussi bien qu'une image, certaines postures ou certains gestes trahissant des fatigues ou des souffrances indicibles. De ce point de vue, les images les plus prégnantes projetées pendant ces deux jours étaient celles des regards effarés des ouvrières indonésiennes travaillant pour les sous-traitants de Levis, montrées par Marie-France Collard en train de visionner la cassette tournée lors de la fermeture des sites ici. Il n'y a sans doute pas de mots pour écrire leur tristesse quand elles entendent les ouvrières licenciées déclarer à leur propos : «Ah si elles veulent faire ça pour un bol de riz, c'est leur affaire, pas nous...». On ne dira probablement jamais aussi bien la dignité du travail bafouée, à Djakarta, comme du côté de Gits, Wervik, Deurne et La Bassée. » Par Martine Sonnet, chargée de mission à la Mission Interministérielle Recherche- Expérimentation, La lettre de la MiRe N°8, Janvier 2006
Sur le terrain des facteurs, 2001, Michel Basdevant et Delphine Mercier
Sur le terrain des facteurs, 2001, Michel Basdevant et Delphine Mercier - <medihal-01562157>
Vidéo réalisée par Michel Badevant dans le cadre d’une recherche conduite par Claude Dubar et Delphine Mercier numérisée à partir d’une K7 VHS Sécam en 2007 pour la médiathèque du LEST, présentée en VHS au Séminaire « Regards pluriels sur le monde du travail » en 2005 par la chercheuse.
Les risques professionnels, 2007, Mario Correia et Jean-Marc Fort
Les risques professionnels, 2007, Mario Correia et Jean-Marc Fort - <medihal-01562191>
Vidéo réalisée à partir des enregistrements de la Journée de rencontre et de débat organisée par l’Institut du Travail d’Aix en Provence avec la participation du LEST et de représentants d’entreprises de la région PACA.
Carambole et les Jefycoteuse, 2002, Corine Eyraud
Lien à venir La mise en œuvre de la LOLF à l’Université de Provence, 2002.