Collection MediHAL : 7 - Méthodologie de l’Image et Apports théoriques

L’apparition des technologies de l’image et de la communication à partir des années 1970 a suscité l’envie de les utiliser pour enrichir l’approche des phénomènes et les introduire dans les cours sur les méthodes en sciences sociales. Une réflexion collective sur les usages de ces moyens d’enquête et de diffusion des connaissances, née du partage d’expériences s’est développée ici et là dans les Universités et dans des Collectifs de paroles au cours de la période début des années 1970, milieu des années 1985. Pour utiliser ces nouveaux moyens d’enregistrements de données sociales dans la pratique de recherche, il fallait apprendre à manipuler des outils, à l’époque volumineux et compliqués, à s’en servir sans avoir à les acheter, à se familiariser avec les techniques du montage, à avoir accès aux gros bancs de montage Umatic des Universités ou de certaines Ecoles professionnelles ou à les pirater. Dans ce mouvement, et pour répondre aux attentes des étudiants, j’ai proposé en 1982 un enseignement en licence de sociologie sur l’«Image et la Communication Sociale». Cela supposait de découvrir la littérature qui se déployait alors au confluent de plusieurs champs disciplinaires, d’adapter ce nouveau domaine de connaissances aux objets de la discipline, de bricoler une formation pratique aux nouvelles techniques de prise de vue et de montage, et parallèlement de s’initier ensemble à une sémiologie d’objets sociologiques par l’analyse du « regard sociologique » porté sur eux. Le cours a abordé l’image, tout d’abord par sa profondeur historique, fournie par l’anthropologie de l’écriture et du graphisme comme moyen d’exprimer, de mémoriser et de communiquer. «La raison graphique» des humains s’inscrit dans les formes archaïques d’écriture - ainsi les traits et les points sur les parois des grottes - puis dans la création de pictogrammes qui toujours signifient autant qu’ils expriment, encore d’actualité dans l‘élaboration des pictogrammes de la signalétique urbaine. Tous ces graphismes sont des témoins d’une capacité cognitive de la pensée abstraite dès les premiers âges qui manifeste au travers de la diversité des formes, des constantes dans la créativité des humains, depuis les idéogrammes égyptiens jusqu’aux lettres de l’alphabet. Le cours s’est appuyé sur différents apports. Ceux de l’école de Palo Alto (le collège invisible) qui au delà de l’écriture et du graphisme a cherché à formaliser le langage du corps, dans ses signes, dans les manières d’occuper l’espace (la proxémie), de vivre une durée, par toutes les techniques du corps déjà repérées par Marcel Mauss. Ces auteurs ont attiré l’attention sur l’universalité de la dimension de la communication dans le vivant et donner au corps sa place comme langage, idée reprise par Bourdieu dans la notion d’hexis corporelle. De son côté la sémiologie de Roland Barthes a permis de travailler sur une variété de signifiants et de signifiés conduisant à briser la fausse naturalité des images, des représentations. Les recherches en ethnologie et en paléoanthropologie, en constant développement montrent aussi la diversité des signes, des symboles abstraits, des objets et des supports imaginés et/ou réemployés par les innombrables cultures humaines tout au long de l’évolution pour exprimer et communiquer, pour toujours signifier voire invoquer. Le cours se proposait d’accompagner les étudiants à réaliser, de préférence à plusieurs et avec les moyens de l’époque -souvent peu accessibles- un document audiovisuel portant sur une question sociologique choisie par eux et problématisée sociologiquement en commun. Ainsi ils ont réalisé à plusieurs un documentaire sur une sociologie des poubelles «Gaspiller c’est mal consommer», ce qui les a conduit à faire des recherches, des lectures, à penser des processus comme le parcours d’une marchandise, sa traçabilité, développant une réflexion en sociologue c’est à dire en partant toujours du contexte, des acteurs sociaux, de leurs rapports, des processus dans lesquels ils sont engagés et qu’ils alimentent, en élargissant la question, ainsi le recyclage des déchets, le réemploi les ont conduits jusque chez Emmaüs ou dans des ateliers de récupération de l’époque. D’autres on réalisé un document sur les graffitis et leurs acteurs dans la ville de Toulouse, intitulé «La guerre des crayons». D’autres ont créé une radio pour interroger la production de chanson, comme porte parole de quelque chose de plus vaste qu’une création personnelle à décrypter. D’autres encore ont travaillé et filmé les rituels de rencontre, de séparation, de communication dans les gares, les maisons de retraite, la proxémie des couples dans les musées etc. Ainsi on a travaillé en cours l’élaboration de problématiques sociologiques sur différents corpus de photos apportées par eux : des photos de famille, de mariages, d’anniversaires, de baptêmes, de couples à différentes périodes de l’histoire de la photographie qui fondait au passage notre critique de L’art moyen de Bourdieu ; sur des corpus de photos de classe pour interroger ce que, au fil du temps à travers la photo l’école dit aux parents, des photos de guerre en construisant ensemble une question sociologique On a travaillé sur des cartes postales anciennes trouvées parfois dans des brocantes, des décharges, des greniers de leur propre famille, pour tenter de reconstituer une sorte de correspondance dans le temps et l’espace dont l’objet est toujours, le parler de soi, «voilà le village où je suis, l’entreprise où je travaille». Le selfie d’aujourd’hui ne dit rien de bien différent, on reste dans l’auto portrait. La réflexion a toujours porté en final sur l’apport de «l’image», sa forme, son sens, son histoire dans la production de connaissances en sociologie. Pourquoi et comment la technique de l’image et des enregistrements audiovisuels peut-elle faire avancer la connaissance, la recherche, avoir une valeur heuristique ? Dans la démarche de recherche peut-elle saisir quelque chose de pertinent pour enrichir la connaissance d’un sujet ? La technique est-elle capable en effet de capter dans du concret les idées théoriques sur lesquelles s’appuie la démarche, les concepts mis en oeuvre, les hypothèses ? Peut-on dégager les caractéristiques de son langage pour les mettre au service de la production de connaissances comme elles le sont au service de la transmission de savoirs ? En effet les images sont pertinentes pour exposer des résultats, argumenter un propos, illustrer un exposé. Mais les images sont-elles capables d’autre chose que d’exposer des savoirs, sont-elles capables de produire des connaissances ? et devenir une technique de recherche féconde et sans doute singulière dans la production de connaissance.

Cahiers du « Réseau National pratiques audio visuelles en Sciences sociales », Réseau crée en 1986 par Anne Guillou (LERSCO, Nantes) et Monique Haicault (LEST, Aix en Provence).

Généalogie du Réseau, objectifs, et membres

Un Réseau de praticiens audiovisuels enseignants et chercheurs en Sciences Sociales s’est constitué en 1987, à l’initiative d’Anne Guilhou (LERSCO, Nantes) et de Monique Haicault (LEST, Aix en Provence). Il a reçu le soutien initial d’Alain d’Iribarne, alors Directeur du Programme Interdisciplinaire Travail Technologies et Modes de vie (PIRTTEM) du CNRS, puis celui de la Mission Recherche Expérimentation (MIRE) pour la deuxième rencontre, enfin celui du Centre de recherche Interdisciplinaire de Vaucresson, (CRIV) pour la troisième rencontre. Plus d’une cinquantaine de chercheurs dont la liste figure dans les Cahiers, se sont réunis régulièrement autour des objectifs suivants : Echanger sur les pratiques de recherche mettant en œuvre la méthodologie de l’image et du son. Confronter les démarches, les logiques d’usage, les méthodes d’analyse de l’image afin d’enrichir la connaissance pour généraliser et transmettre cette nouvelle méthodologie des Sciences sociales.

  • Améliorer les compétences techniques des praticiens en lien avec les apports continus des technologies de l’information et de la communication en tenant compte des exigences scientifiques.
  • Contribuer à développer au sein des milieux scientifiques une politique des moyens pour l’aide à la réalisation et à la diffusion des documents audiovisuels (valorisation de la recherche), devant conduire à leur reconnaissance comme productions scientifiques dans les colloques et les congrès nationaux et internationaux.
  • Mettre en place une banque de données image et son pour enrichir les approches comparatives et longitudinales (données sociales historicisées) et diffuser les contenus des rencontres sous forme de Cahiers.

Des rencontres nationales se sont déroulées régulièrement entre 1987 et 1993. Elles ont été organisées successivement par l’un des membres du réseau ou par une équipe sur un thème précis préparé par tous les futurs participants et travaillé en ateliers lors des rencontres.

 

  • Monique Haicault, L’image en sciences sociales une opération de mise en visibilité in Femmes entre ombre et lumière (dir Geneviéve Dermenjian, Jacques Guilhaumou, Martine Lapied), Ed Publisud, 2000, p 303-314 <halshs-01539182> - lien fichier [PDF]
  • Monique Haicault, Compter, écouter, observer, montrer, in L’expérience sociale du quotidien, corps, espace, temps, 3ème partie, Presses de l’Université d’Ottawa collection, Théorie sociale. 2000 p 161-198 <halshs-01539133> - lien fichier [PDF]
  • Monique Haicault, La méthodologie de l’image peut-elle être utile à la recherche en sciences sociales ? Version de l’article paru dans la revue brésilienne Sociedade e Estado, Inovacoes no campo da metodologia das Ciencias Sociais, Universitade de Brasilia, Brésil, jul/dez. 2002 p 529-540 <halshs-00498016> - lien fichier [PDF]
  • Monique Haicault, Observer, analyser et montrer le travail par le film, in Filmer le travail films et travail cinéma et sciences sociales (sous la direction de Corine Eyraud et Guy Lambert) Publications de l'Université de Provence, 2009, p 9-24 <halshs-01539169> - lien fichier [PDF]
  • Monique Haicault, Réseau National Pratiques Audiovisuelles en sciences sociales (1986-1993): des rencontres et trois cahiers de réflexions collectives pratiques et théoriques pour une sociologie par l'image in Cinémaction Sociologie de l’image, Sociologie par l’image n° 147, 2013, p 169-175 <halshs-01566784> - lien fichier [PDF]

Apports théoriques

  • Monique Haicault. Note de lecture de l'article d'Edward P Thompson, «Temps, travail et capitalisme», revue Libre n° 5, 1979. Séminaire du LEST sur les Temps sociaux, responsable Paul Bouffartigue, séance du 17 février 2002 sur « Temps et Travail », 2002, pp.7 <halshs-00084583> - lien fichier [PDF]
  • Monique Haicault, Marie Blanche Tahon Le tiers inclus dans les rapports sociaux de sexe in Le genre de la catégorisation du sexe, coordonné par Nicky Le Feuvre UTINAM Revue de sociologie et d’Anthropologie, n° 5 2001-2002, Ed L’Harmattan, p 247-267 <halshs-01538841> - lien fichier [PDF]
  • Monique Haicault, La dette dans les rapports de génération : une transission en changement, in « Jeunesse et génération(s), jeuness et transmission » Revue EMPAN, prendre la mesure de l‘humain, n° 50 juin 2003, ed éres. p114-121 <halshs-01535055> - lien fichier [PDF]
  • Monique Haicault, Une génération historique : les jeunes retraités in GENERATIONS, Collection « Sciences sociales », Editions Nota Bene 2005, sous direction de Marie Blanche Tahon et André Tremblaye, contributions au Congrès annuel de l’Association Canadienne des Sociologues et Anthropologues de Langue Française (ACSALF), Ottawa 1999, p141-154 <halshs-01539003> - lien fichier [PDF]
  • Monique Haicault, Autour d’Agency, un nouveau paradigme pour les recherches de genre in Agency : un concept opératoire dans les études de genre ? in Rives Méditerranéennes, Aix-Marseille Université CNRS n°41 2012, p 11-24 <halshs-01016577> - lien fichier [PDF]
  • Monique Haicault, Les nouveaux temps sociaux observables dans les politiques temporelles des villes, la charge mentale des femmes dans la gestion domestique et familiale, les rapports sociaux de sexe, constituent-ils des outils et des moyens mobilisables pour étudier tout type d’espace ? Communication et trois vidéos de la série « Temps des femmes, Temps des villes », présentées à la Journée d’Etude « Genre, temporalités, pratiques des espaces : quels outils, quelles approches, pour quels types de territoires? » 29 janvier 2014, Le Mans-Université du Maine, 12 p <halshs-01535100> - lien fichier [PDF]
  • Monique Haicault. « Pour enrichir les recherches de genre, quelques remarques tirées de l’expérience de séminaires à plusieurs voix » dans Genre, Révolution, Transgression, sous la direction de Jacques Guilhaumou, Karine Lambert et Anne Montenach, Presses de l’Université de Provence, collection Penser le Genre 2015, p 255-266 <halshs-01535091> - lien fichier [PDF]

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Le travail : ses formes, ses images, passé présent

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