Les pratiques de science ouverte : mode d'emploi

Le 8 octobre 2023 Héloïse Berkowitz, chargée de recherche au CNRS, en section 37 et rattachée au LEST, a été invitée à une conférence organisée par la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) du CNRS sur les enjeux de réplicabilité et de reproductibilité des sciences (résumé du colloque ici).


Héloïse est l’ancienne co-rédactrice en chef de la revue diamant M@n@gement, qui bénéficie du soutien précieux de l’InSHS, et pour laquelle elle a développé la première politique de données ouvertes, et co-fondatrice de Peer Community In Organization Studies, une plateforme ouverte organisant l’évaluation et la recommandation des preprints dans le champ pluridisciplinaires des études organisationnelles. Ces activités l’ont amenée à s’interroger sur les transformations des pratiques de la recherche en sciences sociales et sur l'importance de la science en tant que bien public global et des transformations nécessaires pour promouvoir la science ouverte.

Son intervention, disponible ici en accès libre, a porté sur plusieurs points :


•    Le contexte de la science ouverte, une conception de la science comme bien public global, impliquant une science ouverte, ses implications sur la chaîne de valeur de la science, et le consensus croissant parmi les institutions, les gouvernements et les ONG sur la nécessité de mettre en œuvre des stratégies de science ouverte.


•    Le diagnostic des problèmes du système actuel commercial de publication académique que peut résoudre la science ouverte : lenteur du processus et barrières aux publications très questionnables, l'opacité du système, en particulier dans les sciences sociales, où les rapports d'évaluation et les éditeurs ne sont souvent pas publics, les données, scripts et de codes de recherche rarement publiés, et les conflits d'intérêts non vérifiables, l'accès restreint à la recherche en raison de paywalls, malgré les efforts du CNRS en France, le coût élevé du système de publication, avec d'énormes marges bénéficiaires pour les grands éditeurs, les effets pervers du système, tels que la pression pour publier, les biais de publication et la crise de la réplication.


•    Ce système conduit à une production de connaissances fragiles résultant des biais de publication, des fraudes ou de pratiques peu déontologiques et de la méconnaissance des connaissances régionales, ainsi qu’une prolifération de classements, menant plus largement à une perte de confiance dans la science.


•    La grande diversité des pratiques de réplicabilité/reproductibilité: différentes formes, différents sens et objectifs, qui ne sont pas tous pertinents, et ne s’adaptent pas toujours aux besoins des sciences sociales et à la complexité des méthodologies qualitatives notamment (e.g. recherche-action, ethnographie. Des ressources, du temps et un soutien institutionnel sont nécessaires pour promouvoir la réplicabilité et la reproductibilité, car toutes les méthodologies ne se prêtent pas facilement à ces pratiques. Surtout, la transparence et la qualité de la méthodologie peuvent contribuer à renforcer la confiance dans les résultats de la recherche, au-delà des questions de reproductibilité.


•    En sciences sociales et en science de gestion en particulier, les pratiques de science ouverte et les degrés d’ouverture varient, de l'ouverture des publications, aux données et aux rapports d'évaluation par les pairs (open peer review), ainsi que l'utilisation de pré-enregistrements et de « registered reports » pour améliorer la transparence et la qualité de la recherche, autant de pratiques facilitées par les différentes PCI et PCI Org Studies notamment.


•    Les  nombreux changements institutionnels nécessaires, passant par la remise en question du système actuel de revues scientifiques comme uniques unités de production de savoir, et la remise en question des classements, la nécessaire valorisation de la diversité des pratiques de science ouverte et surtout la sortie du paradigme des éditeurs commerciaux pour préserver la science en tant que bien commun intellectuel mondial.

Héloïse Berkowitz

COT - Changements, Organisations, Transitions Chargée de Recherche - Centre National de la Recherche Scientifique
  • Responsable d'axe
Sciences de gestion
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