Thèse de Dahiana Ayala

Résumé

Au Paraguay, près de 70 % de la population active occupe un emploi informel, ce qui témoigne de l’importance et du rôle central de l’informalité dans l'emploi total. Malgré cela, l'informalité a longtemps été, et reste souvent, abordée sous un angle négatif et marginalisé, considérée comme un espace qui favorise et perpétue les inégalités sociales et économiques. Cette vision, directement promue par les organismes internationaux tels que le Fonds monétaire et la Banque Mondiale, insiste sur la transition vers des emplois formels. Dans cette recherche, nous proposons une lecture alternative de l'informalité du travail et montrons qu’il s’agit d’une organisation sociale, comme le mentionnent Lautier (2004) et Busso (2009), qui reflète ses propres dynamiques ancrées dans les parcours professionnels, les réseaux familiaux et des modes de vie spécifiques.

Des auteurs tels que De Soto et al. (1994), Lautier (2004) et Iguaran (2009) ont consacré une grande partie de leurs recherches à démontrer que l'emploi informel n'est pas un phénomène homogène ou temporaire, mais qu'il est profondément ancré dans les économies où le marché formel n'a pas la capacité totale d'absorber la main-d'œuvre existante. Pour eux, la persistance du travail informel réside dans la nécessité pour les populations de rechercher des alternatives leur permettant de générer des revenus, de développer leurs activités indépendantes et autres comme moyen de subsistance. Pour Azaïs (2014) et D’Amours et al. (2017), il existe entre les emplois formels et informels une certaine fonctionnalité opérationnelle qui leur permet de coexister, de perdurer et de se consolider. 

Partant de ces perspectives théoriques, notre recherche adopte une méthodologie mixte : d'une part, nous analysons des données quantitatives issues de l'enquête auprès de ménages du Paraguay, d'autre part, nous avons mené 35 entretiens avec des travailleurs paraguayens.

Ce travail de thèse a permis de développer une typologie de l'emploi informel au Paraguay qui relie les dimensions sociodémographiques et les récits individuels des travailleurs. Il met ainsi en évidence la complexité du secteur informel paraguayen : un marché du travail dynamique, hétérogène et stratifié. Cette typologie montre que l'entrée dans l'emploi informel est motivée par diverses raisons, telles que la tradition familiale, les opportunités commerciales, le cumul d'emplois, le chômage ou la nécessité de survivre, qui façonnent différentes trajectoires et différents degrés de stabilité au sein du secteur informel. Le travail informel apparaît ainsi non seulement comme un refuge contre l'exclusion du marché formel, mais aussi comme un espace social pluriel où coexistent différentes formes d'organisation et différentes expériences d'autonomie et de continuité économique.

Mots clés : Paraguay, emploi informel, hétérogénéité, segmentation, organisation sociale, typologie