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Egalité des chances à l'école : inégalités scolaires et enseignement individualisé des élèves à l’école primaire et au lycée
Autre
novembre 2013 - octobre 2015
Dans le cadre de l’appel à projets « l’égalité des chances à l’école », lancé en juillet 2012 par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Education Nationale en lien avec le Défenseur des Droits et I’Agence nationale de la cohésion sociale et de l’égalité des chances (Acsé), le LEST - avec le renfort d’une collègue du laboratoire TRIANGLE (Cnrs, ENS de Lyon) - participe à une étude sur "les inégalités scolaires et l’enseignement individualisé des élèves à l’école primaire et au lycée".
Coordonnée par Nathalie Mons (Laboratoire Ecole, mutation, apprentissages de l’Université de Cergy-Pontoise), cette étude associe en outre une équipe du Centre de recherche en éducation de Nantes (CREN, Université de Nantes). Centrée sur les modalités de mise en œuvre des dispositifs de suivi individualisé des élèves, elle vise à analyser leurs effets possibles sur les acquis scolaires des élèves (du primaire) ainsi que le renouvellement des pratiques professionnelles des enseignants, en s’intéressant tout particulièrement au poids des inégalités scolaires liées aux origines sociales et nationales.
Contexte et Objectifs :
Les trois dernières décennies ont été marquées dans les pays de l’OCDE par un développement des dispositifs d’enseignement individualisé. Ces dispositifs revêtent des formes variées (depuis le tutorat ou suivi individuel hors de la classe, jusqu’au cours dispensé en petits groupes d’élèves de niveaux hétérogènes ou regroupés par compétences au sein de la classe). Selon les pays, ils impliquent des publics différents et suivent des objectifs et des philosophies variés (depuis une visée ponctuelle de remédiation pour aider les élèves en difficulté jusqu’à un suivi individuel offert à tous élèves dans le cadre d’une rénovation générale de la forme scolaire).
Historiquement et culturellement peu encline à favoriser l’enseignement individualisé - sinon à la marge de l’organisation ordinaire de la classe et dans une visée de remédiation le plus souvent- la France s’est ouverte plus largement à cette forme d’enseignement durant la dernière décennie. De 2008 à2012 en particulier, ont ainsi été développés l’aide personnalisée, à la suite de la réforme du primaire, l’accompagnement personnalisé dans le cadre des réformes des voies professionnelles puis l’enseignement général et technologique du lycée et plus récemment l’accompagnement éducatif au collège. En parallèle de l’Education nationale, mais pas toujours en articulation, les collectivités territoriales ont mis en œuvre de plus en plus d’activités allant également dans ce sens, dans le cadre de dispositifs périscolaires. Si l’objectif de développer une nouvelle organisation scolaire moins standardisée est bien mis en avant dans certaines de ces réformes (par exemple la réforme du lycée), la nécessité d’apporter un soutien particulier aux élèves en difficulté et de conforter une exigence de réduction des inégalités à l’école- à la fois globales et liées à l’origine sociale et à l’origine nationale- est mobilisée pour légitimer de tels dispositifs. Le nouveau quinquennat (2012-2017) s’ouvre également sur des orientations programmatiques qui vont dans le même sens en particulier la proposition d’un maître surnuméraire qui doit tendre à déconnecter l’enseignant de son groupe-classe, en autre pour lutter contre les difficultés d’apprentissage des élèves d’origines sociales défavorisées. Ces dispositifs de suivi plus individualisé des élèves ont peu fait l’objet d’évaluation.
En effet, peu de recherches scientifiques ont porté sur les conditions de leur mise en œuvre et leurs effets sur les acquis et les attitudes des élèves - notamment ceux en difficulté scolaire. Or, l’empilement actuel de telles mesures, notamment au collège, leur développement sans concertation avec les acteurs de l’Education nationale et les collectivités locales, le manque de formation des enseignants à la pédagogie différenciée, l’absence de reddition des comptes quant à leur organisation ne peuvent que questionner les dispositifs d’enseignement individualisé, tels qu’ils ont été conduits en France jusqu’à présent. Les rares recherches menées sur le sujet n’ont pas abouti à un consensus sur l’existence d’effets positifs sur les acquis scolaires, voire ont mis en évidence des effets négatifs de stigmatisation, quand de tels programmes dédiés aux élèves en difficulté les sortaient de la classe durant le temps scolaire (Piquée 2010). D’autres travaux, notamment dans le secondaire, ont mis l’accent sur les détournements de ces dispositifs par les acteurs de terrain : accueil d’élèves non visés par les dispositifs et réciproquement, développement d’activités souvent en faible lien avec les commandes institutionnelles (Dutercq & Derouet 2004). A l’opposé de ces recherches françaises, d’autres travaux, notamment ceux menés dans l’univers anglo-saxon (Levin 2001, 2008 , Bryk et al. 2010, etc.) ou nord-européen (Sahlberg 2011, etc.), ainsi que dans une perspective comparatiste (Mons 2007) ont pu mettre en évidence des associations positives entre l’existence de tels dispositifs et les performances des élèves en termes à la fois d’efficacité et de réduction des inégalités scolaires d’origine sociale et nationale.
A partir du constat d’une évaluation lacunaire en France de dispositifs pourtant en expansion, notre projet de recherche se propose d’interroger les modalités des mises en œuvre de tels dispositifs dans l’Education Nationale - au primaire et au lycée. Elle vise aussi à analyser leurs effets possibles sur les acquis scolaires des élèves (avec un accent mis sur les inégalités scolaires globales et d’origines sociale et nationale) et sur le renouvellement des pratiques professionnelles des enseignants.
Pour répondre à ce champ large de questionnements, la recherche s’appuiera résolument sur une analyse pluridisciplinaire croisant cadre théorique et outils d’enquête de la sociologie de l’action publique, mais aussi de la didactique et des sciences de l’éducation et empruntera certains instruments de l’évaluation des politiques publiques, notamment les techniques quantitatives.
Le projet, conduit sur une période de deux ans (octobre 2013-octobre 2015), se déploie autour de deux axes :
- Une analyse de la mise en œuvre des dispositifs d’enseignement individualisé tels qu’ils existent aujourd’hui en France au primaire et dans l’enseignement secondaire,
- Une analyse des effets cognitifs et scolaires d’un dispositif particulier, le nouveau programme du « maître sur-numéraire » qui sera lancé dans certaines écoles du primaire dès la rentrée 2013 et devrait permettre la mise en place de pédagogies assurant un suivi plus personnalisé des élèves.
L’équipe de recherche :
- Nathalie MONS, professeur des universités à I’UCP
- Eric VERDIER, directeur de recherche CNRS
- Hélène BUISSON-FENET, chargée de recherche CNRS
- Yves DUTERCQ, professeur des universités à l’Université de Nantes
- Sylvie CUCULOU, Inspectrice de l’Education nationale et chercheur associé au CREN
- Anne JOSSO PERROCHAUD, PRCE IUFM Pays-de-la-Loire et chercheur associé au CREN
- Béatrice MABILON-BONFILS, professeur des universités à I’UCP
- Bruno ROBBES maître de Conférences à I’UCP,
- Arnaud DUBOIS, maître de Conférences à I’UCP
- Nathalie DENIZOT, maître de Conférences à I’UCP
- Nadia LEROY, maître de conférences à I’UCP.