Thèse de Alice Pavie
ED355 Espaces Cultures Sociétés
L’égalité des chances comme prestation – enjeux économiques et symboliques autour de la cause des élèves « méritants » de l’éducation prioritaire
par Alice Pavie
Sous la direction de Philippe Vitale LEST - amU & Laure Bereni CMH - CNRS
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Soutenue
Financement : CDSN
Résumé
Depuis le début des années 2000, les dispositifs dits de promotion de l’égalité des chances, visant des élèves scolarisé·es en éducation prioritaire et qualifié·es de « méritant·es », se multiplient. Ces élèves sont distingué·es positivement de leurs pairs sur la base de qualités supposées (appétence scolaire, bons résultats, motivation) ou anticipées (« potentiel »).
Cette thèse renouvelle le regard sur ces initiatives à partir du concept d’« espace de l’égalité des chances » ; il désigne le système de relations entre acteur·trices qui se mobilisent et travaillent autour de cet enjeu, à la croisée de différents champs (politique, éducatif, associatif, économique). Cet espace rassemble notamment une multitude d’associations, proches de grandes écoles ou d’entreprises, dont l’activité consiste à valoriser économiquement cette cause sous la forme de prestations de tutorat proposées aux établissements scolaires du secondaire.
C’est la mise en cause de la capacité de l’École à faire seule réussir ces élèves qui sous-tend l’essor de ces partenariats. Cette thèse vise à comprendre ce qui rend possible cette délégation d’une prérogative scolaire essentielle à ces acteur·trices et quels en sont les effets sur l’autonomie de l’institution scolaire.
Elle mobilise une méthodologie mixte et multiniveau appuyée sur une diversité de matériaux : entretiens avec des promoteur·trices de ces dispositifs, des acteur·trices scolaires et des élèves ; observations dans des associations et au sein d’un rectorat ; questionnaires ; données nationales sur l’implantation des dispositifs dans les établissements scolaires ; archives et documents institutionnels.
La thèse tend à nuancer la capacité des grandes écoles, entreprises et associations prestataires à ébranler l’autonomie de l’institution scolaire.
Les grandes écoles ont bien contribué à forger une catégorie de public scolaire compatible avec le renouvellement néolibéral du mérite qu’elles entendent incarner, mettant à profit les partenariats avec les établissements scolaires pour revaloriser leur image. Mais d’autres acteurs se sont insérés sur ce segment des services éducatifs. La concurrence entre « prestataires de l’égalité des chances » est encouragée par les pouvoirs publics qui en font un outil de régulation de cet espace. Ce dernier est peu autonomisé, il se déploie à la marge de l’institution scolaire et dépend d’elle.
Pour autant, l’institutionnalisation de cette cause n’est pas sans effets sur l’École : d’une part, l’implantation de ces dispositifs répond à une logique de marché et conditionne donc une partie de l’offre scolaire à la loi de l’offre et de la demande. D’autre part, l’investissement de ces dispositifs par certains acteur·trices scolaires, bien qu’ils et elles demeurent en minorité, contribue à des transformations déjà en cours dans l’institution, notamment l’individualisation des carrières, des logiques de sélection précoce et une segmentation accrue des publics scolaires.
Mots-clefs
« égalité des chances », éducation prioritaire, associations, frontière public/privé, politiques éducatives