Thèse de Laetitia Piet

ED372 Sciences économiques et de gestion

Une intelligence artificielle éthique ? La professionnalité des ingénieurs à l'épreuve des technologies numériques émergentes.

par Laetitia Piet

Sous la direction de Lise Gastaldi LEST - AMU & Amandine Pascal LEST - AMU

En cours  -

Résumé

Dans les résultats de sa 31ème enquête annuelle publiée en 2020, la société des ingénieurs et scientifiques de France (IESF) indique que 70% des ingénieurs participent, comme acteurs ou utilisateurs, à la transformation numérique de leur entreprise (Dudézert, 2018). Si les ingénieurs sont des acteurs incontournables de la transformation digitale des entreprises, le contexte est cependant marqué par une relative rareté des compétences requises et par une tension importante sur les effectifs. Ainsi l’enjeu de fidélisation et d’attachement des ingénieurs à l’organisation qui les emploie est fort (Muratbekova-Touron & Galindo, 2018).

Par ses caractéristiques techniques, ses champs d’application pratique en entreprise et les enjeux éthiques et sociétaux qu’elle soulève, l’intelligence artificielle fait écho aux multiples dimensions de la professionnalité des ingénieurs et à leurs rôles technique, managérial / relationnel et sociétal /éthique (Duprez, Grelon & Marry, 1991 ; Bouffartigue & Gadéa, 1997 ; Vinck, 1999 ; Trevelyan, 2007 ; Didier, 2008 ; Flandrin & Verrax, 2018).

A partir de l’observation des projets de conception et de déploiement de l’IA portés par les ingénieurs dans les entreprises, la thèse interroge les dynamiques de l’engagement des ingénieurs et l’évolution de leur professionnalité.  Elle mobilise pour cela deux cadres théoriques. Le premier, relié au champ des systèmes d’information, est la théorie de la « vision organisante » (Swanson et Ramiller, 1997). La « vision organisante » peut constituer un levier de mobilisation important qui s’alimente à des sources de légitimation externes portées par différentes communautés d’idées (communautés professionnelles, scientifiques, médias, entreprises « exemplaires » dans la mise en œuvre d’une innovation organisationnelle). L’adoption de l’ « innovation en pleine conscience » (Swanson et Ramiller, 2004) suppose cependant aussi d’articuler la « vision organisante » et les spécificités de l’organisation dans laquelle elle est déployée. Le second cadre théorique, emprunté au champ des ressources humaines, mobilise les concepts d’engagement organisationnel et professionnel (Allen & Meyer, 1991 ; Meyer & Herscovitch, 2001).

L’originalité de notre recherche est d’interroger les dynamiques d’engagement sur le registre non seulement du contenu de la tâche et des conditions de travail des ingénieurs mais également au niveau du sens et notamment des questionnements associés à l’éthique. Qu’en est-il de la conscience des impacts sociétaux, environnementaux et éthiques associés au déploiement de l’intelligence artificielle dans la conduite des activités professionnelles des ingénieurs qui y participent ? Comment intervient-elle dans leurs activités ? Dans quelle mesure les entreprises accueillent-elles cette dimension pour en faire, le cas échéant, un élément susceptible d’attirer et de fidéliser des ingénieurs sensibles aux impacts sociétaux et éthiques de leur activité professionnelle ?

Combinant des types de recherche et de données qualitatives et quantitatives, notre démarche mobilisera des méthodes mixtes (Pascal et al., 2018).

Les résultats pourront intéresser plusieurs champs des sciences de gestion : d’abord les systèmes d’information, par la nature de l’objet étudié ; ensuite la gestion des ressources humaines, en centrant notre intérêt sur les ingénieurs, leurs compétences, et les problématiques d’engagement et de fidélisation de cette population ; enfin la responsabilité sociétale des entreprises, au travers des questionnements sur la place des considérations éthiques et sociétales dans le déploiement des projets d’intelligence artificielle et la façon dont elles peuvent être portées par les ingénieurs en entreprise.

 

Mots clefs : intelligence artificielle, ingénieur, engagement, RSE, éthique, vision organisante