Sortir de la vie sans papiers et aspirer à une mobilité professionnelle ascendante : une plus grande « capabilité à aspirer » ?
Lundi 15 avril 2024
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LEST, Salle Côté Jardin
Animation Christophe Baret, Claire Bidart
Cette séance exceptionnelle de l’axe RINOREP accueillera Liala Consoli, doctorante en sociologie à l’université de Genève. Ses travaux portent sur les conséquences de la régularisation des travailleurs sans papiers.
Sortir de la vie sans papiers et aspirer à une mobilité professionnelle ascendante : une plus grande « capabilité à aspirer » ?
Liala Consoli (article en cours de révision)
Cette étude qualitative longitudinale se penche sur les trajectoires professionnelles et aspirationnelles de personnes qui ont migré en Suisse, y ont vécu en situation de séjour irrégulier et, après plusieurs années, ont pu régulariser leur situation de séjour grâce au programme « Opération Papyrus » à Genève (2017-2018). L’étude suit 39 personnes depuis la période où elles n’avaient pas encore de permis de séjour jusqu’à leur vie post-régularisation. Ces personnes sont principalement des femmes employées dans le secteur de l’économie domestique ; mais aussi des hommes travaillant dans la restauration, le nettoyage ou dans la construction.
Les analyses révèlent qu’avec la perspective de la régularisation émergent des aspirations de mobilité professionnelles ascendante. Ces aspirations contrastent avec celles exprimées pendant la vie sans papiers, qui étaient contraintes par l’expulsabilité et la relégation dans le secteur informel. Est-ce pour autant que la régularisation peut être considérée comme une politique permettant une plus grande « capabilité à aspirer » et que ces aspirations « plus ambitieuses » sont également le signe d’un accroissement de la « liberté positive » (capacité de l’individu à réaliser ses aspirations) ?
L’étude du parcours post-régularisation de ces personnes révèle les obstacles multiples qu’elles rencontrent dans la réalisation de leurs nouvelles aspirations, particulièrement lorsque le souhait est de changer de secteur d’emploi. Des contraintes se situent dans des domaines variés comme l’âge, les barrières linguistiques, les responsabilités familiales, le manque de formation reconnue, ainsi que dans les conséquences durables d’avoir vécu sans papiers pendant longtemps. Les aspirations que la régulation a fait émerger sont donc souvent abandonnées ou redirigées ; ou l’horizon temporel pour les atteindre prolongé. La régularisation entraîne des améliorations des situations professionnelles, mais elles sont limitées par rapport aux attentes des individus.
Ces résultats empiriques permettent d’évaluer les effets du programme de régularisation sur l’emploi du point de vue des personnes affectées par ces politiques. Ils sont également mobilisés pour explorer la possibilité d’un cadre d’évaluation dynamique inspiré par l’approche par les capabilités d’Amartya Sen et axé sur les trajectoires aspirationnelles.