Dans un monde confronté à une urgence écologique encore trop souvent relayée au second plan, comprendre comment réinventer les modes de vie devient crucial. C’est précisément cette ambition qu’assument Cécile Ezvan, Hélène L’Huillier, Cécile Renouard et Fanny Argoud dans leur récente publication (Revue française de gestion, vol. 51, n° 321, mars-avril 2025) intitulée « Vivre la soutenabilité forte ». À travers l’analyse de six écolieux français, elles explorent le rôle central des capacités relationnelles dans la construction de modes de vie sobres, solidaires et durables
Trois ans d’enquête au cœur des écolieux français
L’étude couvre des terrains observés entre 2020 et 2022, ciblant six écolieux français représentatifs de différents contextes et dynamiques. Cette démarche empirique permet de faire émerger des leviers concrets porteurs d’une soutenabilité forte, c’est-à-dire une sobriété respectueuse des limites planétaires.
Les capacités relationnelles comme catalyseurs de résilience
L’un des apports majeurs de la recherche concerne l’importance des dynamiques relationnelles : entraide, réemploi, partage des biens de consommation, capacités de gouvernance collective. Ces éléments s’avèrent déterminants pour la pérennité des écolieux. En effet, le succès – ou l’échec – de ces lieux dépend fortement de la qualité des relations sociales tissées en leur sein.
Des écolieux étudiés, entre inclusion sociale et défis d’accessibilité
L’étude met aussi en lumière certains écarts entre intentions durables et réalités sociales. Si les aspirations écologiques sont souvent partagées, la diversité sociale reste parfois limitée : la recherche souligne notamment des profils majoritairement privilégiés, blancs, universitaires, illustrant un défi d’accessibilité sociale.
Impact social et portée de la recherche
- Approche novatrice : En plaçant les relations sociales au cœur de l’analyse, cette–recherche enrichit notre compréhension des pratiques communautaires durables, tout en offrant un regard critique sur les conditions de réussite.
- Modèles inspirants pour la transition : Ces écolieux sont présentés comme des laboratoires vivants, des prototypes permettant de réimaginer une vie collective plus sobre, équitable et respectueuse de l’environnement – des expériences susceptibles d’inspirer au-delà de leurs frontières.
- Enjeux de démocratisation à relever : Les limites observées en matière d’inclusion invitent chercheurs, acteurs publics et organisateurs d’écolieux à réfléchir à des modèles plus accessibles, porteurs d’une durabilité réellement inclusive
Cette publication constitue une contribution essentielle aux sciences sociales appliquées à la transition écologique. Elle encourage à penser la soutenabilité non seulement en termes de ressources naturelles, mais aussi (et surtout) en termes de qualité des liens humains.
Elle invite tout un chacun à approfondir la réflexion sur les formes de gouvernance les plus favorables à la résilience communautaire, explorer la création de modèles d’écolieux plus inclusifs et socialement divers, et à favoriser le partage d’expériences entre acteurs engagés dans des projets de transition.
En encourageant les échanges, il s’agit de faire des écolieux des espaces de transformation durables — non seulement pour leurs habitants, mais pour la société dans son ensemble.
Vivre la soutenabilité forte met ainsi en avant la force des relations humaines dans la construction d’une durabilité vivante et partagée. Un mot d’ordre : continuer à cultiver ces capacités relationnelles pour bâtir des futurs collectifs à la fois sobres, solidaires et accessibles à tous.
Auteurs: CÉCILE EZVAN (Excelia Business School, CERIIM, IRSI); HÉLÈNE L’HUILLIER (ESSEC Business School, SCOP OZON); CÉCILE RENOUARD (ESSEC Business School, Campus de la Transition); FANNY ARGOUD (Lab. d’économie et de sociologie du travail, Aix-Marseille univ., CNRS)