Thèse de Mathilde Gouteux
ED372 Sciences économiques et de gestion
Composer l’organisation alternative par la dissonance. Étude des pratiques de commoning et de régénérescence coopérative au sein d'une friche culturelle constituée en SCIC.
par Mathilde Gouteux
Sous la direction de Ariel Mendez LEST - amU & Nadine Richez-Battesti LEST - amU
En cours -
Financement : CIFRE
Résumé
Ancrée dans une vision pragmatiste de l’organisation alternative, cette thèse contribue à l’étude des pratiques et processus de démocratisation des organisations à travers la gestion collective des ressources. Elle s’attache plus précisément à analyser les modalités de l’organizing alternatif, via la production et gestion collectives d’un espace culturel sur un territoire urbain.
Réalisée en Cifre, la recherche repose sur une étude de cas de la Friche la Belle de Mai, une friche culturelle constituée en SCIC, engagée dans la fabrique d’un commun urbain et culturel. En y étudiant les pratiques et processus à l’oeuvre, la thèse apporte des éléments empiriques pour penser le rapprochement entre la SCIC, conceptualisée depuis la perspective de l’organizing alternatif, et le commoning. Le cas de la Friche permet un dialogue fécond entre ces deux corpus théoriques depuis une vision dynamique et critique. D’un côté, la littérature sur les SCIC éclaire les tensions inhérentes aux organisations multi-parties prenantes, les dynamiques de dégénérescence liées à l’hétérogénéité interne et aux pressions du système dominant, ainsi que les pratiques de régénérescence qui infléchissent cette trajectoire. De l’autre, les travaux sur le commoning cadrent l’analyse depuis les notions d’adaptabilité, de robustesse organisationnelle et de création collective des règles et usages dans une perspective de défense des droits fondamentaux et de réappropriation des ressources.
Le travail de périodisation de l’histoire de la Friche retrace en quatre séquences la trajectoire de la fabrique d’une alternative, dont le long processus d’institutionnalisation s’achève par un renouveau coopératif. L’identification des tensions d’appartenance dans la construction d’un commun par une SCIC amène à considérer la dissonance comme une dimension constitutive de l’organisation alternative, et comme enjeu central de sa gouvernance. En tant que plurivocalité, elle constitue une condition démocratique. En tant qu’usage actif de logiques contradictoires, elle permet à l’organisation de naviguer entre dégénérescence et régénérescence : c’est-à-dire entre affaiblissement et renouvellement des pratiques démocratiques et des idéaux politiques du projet. La thèse s’attache alors à l’étude des pratiques et processus de commoning permettant d’organiser la dissonance. Elle met en lumière l’outillage favorisant l’encapacitation à la participation et l’émergence de postures coopératives. Cette organisation de la dissonance suppose une gouvernance adaptative et introduit la notion de révisabilité démocratique.
À l’intersection des SCIC et des communs, cette thèse propose donc la dissonance comme principe structurant de l’organisation alternative, en tant que modalité de l’enquête collective. Elle en fait le garant de sa dimension démocratique, de sa robustesse organisationnelle et de son adaptabilité. Appliquée à chaque littérature, elle nourrit d’une part les réflexions sur les dynamiques de régénérescence et de gestion d’un multi-sociétariat au sein des SCIC, d’autre part, elle contribue à formaliser des principes régissant les pratiques de commoning dans les communs urbains. Elle ambitionne ainsi d’ouvrir la voie à l’étude des pratiques de réencastrement de l’économie pour observer les organisations alternatives dans l’Anthropocène.