Thèse de Vincent Caron
ED372 Sciences économiques et de gestion
Trois essais pour examiner le rôle de l’intelligence émotionnelle dans les pratiques de leadership à l’ère de l’automatisation
par Vincent Caron
Sous la direction de Damien Aimar LEST - INSPÉ AMU & Franck Brulhart LEST - amU
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En cours
Résumé
Cette thèse aborde le concept d’intelligence émotionnelle (IE), formalisé au début des années 1990 par les travaux de Salovey et Mayer (1990). Salovey et Mayer (1990) définissent l’IE comme une capacité qui permet de surveiller les sentiments et les émotions de soi-même et des autres, à les discriminer et à utiliser ces informations pour guider sa pensée et ses actions. Les critiques formulées autour de cette approche théorique soulignent qu’une définition de l’IE autour du lien qui réside entre l’émotion et la cognition, dépend de facteurs contextuels (Locke, 2005; Landy, 2005) qui remettent en cause la fiabilité des modèles de mesure présentés. D’autres auteurs (Petrides et Furnham, 2006) ont préféré percevoir l’IE comme une dimension des traits de personnalité. Face à cette approche, Mayer et al. (2008) s’attachent à réaffirmer la dimension cognitive de l’IE, en la distinguant des modèles liés aux traits de la personnalité.
Dans les années 2000, la popularisation de la notion d’IE par Goleman (1995) donne lieu à une extension de son cadre théorique vers divers champs de recherche liés à la gestion, incluant le leadership, la performance organisationnelle ou encore l’intelligence artificielle. Dans la continuité de ses écrits, Goleman et son équipe (2002) étudient l’IE comme une composante du leadership. Par la suite, Walter, Cole et Humphrey (2011) approfondiront cette hypothèse en liant l’IE au style de leadership transformationnel, authentique et éthique. Parallèlement, d’autres chercheurs (Côté et Miners, 2006; O’Boyle et al., 2011) ont orienté leurs travaux vers la performance organisationnelle en démontrant que l’IE en tant que capacité représente une ressource stratégique qui contribue aux bien-être organisationnel et à l’efficacité des équipes. L'essor récent de l’intelligence artificielle a ravivé les débats autour de l’IE. Le paradoxe entre automatisation et augmentation du management (Raisch et Krakowski, 2020) suscite de nouvelles discussions autour des compétences associées à l’IE. La construction théorique de l’IE s’inscrit dans un processus évolutif qui reconnaît l’IE comme un levier de performance, de leadership et d’adaptation organisationnelle.
Cependant, la coexistence des approches fondées sur les traits de personnalités (Petrides et Furnham, 2006) et sur les compétences cognitives (Salovey et Mayer, 1990) révèle des divergences conceptuelles, accentuées par un manque de contributions académiques reconnues. Ce flou conceptuel met en évidence les limites de l’IE à produire une construction conceptuelle reconnue en gestion, dans un contexte marqué par l’automatisation et l’évolution rapide de l’environnement organisationnel. Cette thèse vise à combler ces fragilités théoriques en explorant la construction et les pratiques de l’IE à travers 3 articles. Elle vise à comprendre comment les concepts de l’IE se construisent, se transforment et s’actualisent en proposant une analyse bibliométrique. Cette analyse met en avant les tendances de recherches pour fournir des éclaircissements et des contributions théoriques et méthodologiques aux recherches passées liées à l’IE.
Axes de recherche
Ce projet de thèse adopte une structure en trois essais qui vise à assurer une diffusion rapide et progressive des résultats:
Le premier article propose une analyse bibliométrique autour de l’intelligence émotionnelle dans les sciences de gestion. Il vise à cartographier les courants théoriques, à identifier les tensions conceptuelles persistantes et à clarifier les liens entre l’IE et d’autres thématiques. Cet article sera rédigé en collaboration avec Marion Vieu et Franck Brulhart, membres du LEST.
Les articles suivants dépendent essentiellement des résultats de l’analyse bibliométrique. Plusieurs pistes de recherche sont discutées: le leadership à travers la communication des équipes, la performance organisationnelle ou encore l’intelligence artificielle. Damien Aimar, membre du LEST, a prévu de participer à la rédaction d’un des deux articles.
Cette recherche cherche à conceptualiser la notion d’intelligence émotionnelle en montrant qu’il s’agit d’un sujet discutable dans un environnement incertain marqué par l’automatisation. Sur le plan pratique, cette thèse cherche à éclairer les organisations et les décideurs sur la gestion des compétences émotionnelles nécessaires pour conduire à des transformations organisationnelles futures.